Chapitre 1 – Le Père Noël
Ouf, voilà le dernier paquet est ficelé, tout est prêt à temps.
Tous les ans, le Père Noël se disait cela et tous les ans, il félicitait ses lutins pour leur superbe ouvrage.
Chaque année, il voulait que Noël soit le plus beau de tous les Noëls, ce qui donnait beaucoup de travail à ses petits amis. Mais le Père Noël avait de quoi être fier, les poupées étaient toutes plus magnifiques les unes que les autres. Il y en avaient qui parlaient, d’autres qui marchaient et même certaines savaient danser. Les motos pétaradaient, les tambours résonnaient superbement, les trains sifflaient…
Plus que le Père Noël, c’était les gentils lutins qui se réjouissaient qu’arrive le 25 décembre, car, pour eux, c’était le début des vacances. Leurs vacances, ils avaient déjà préparé leurs valises et, dans quelques heures, ils allaient tous partir pour Tahiti.
Ils n’attendaient plus que l’ordre du Père Noël pour charger les colis, ensuite à eux le soleil, le sable chaud et les coquillages.
– Père Noël ! Père Noël ! criait un lutin barbu, c’est une catastrophe!
– Que se passe-t-il ? mon brave Bidouille, on dirait que tu as avalé une citrouille de travers.
– Ne plaisantez pas Père Noël, c’est une véritable catastrophe : tous les rennes sont malades.
– Comment ça malades ?
– Je n’y comprends rien, hier soir encore ils étaient en pleine forme. Pour les préparer à la grande course, je leur avais même offert une double ration d’herbe avec un bouquet de carottes. Aldebore piaffait d’impatience, il voulait tirer le traîneau tout de suite. J’ai dormi à côté d’eux pour qu’ils ne prennent pas froid et, ce matin, ce n’est que toux, râles, éternuements dans l’écurie. Je ne comprends pas : a , Atch, Atchch, atchoummmme !!
– Je crois que je comprends, murmura le Père Noël. Course à Pied, va chercher le docteur.
Un lutin maigre comme un fil, avec des jambes montées sur des ressorts, partit comme une flèche, ne laissant derrière lui qu’un courant d’air.
Chapitre 2 – Le diagnostic
– Incroyable, c’est la première fois que ça arrive, je ne comprends pas, pourtant vous les avez vaccinés, jamais vos rennes n’auraient dû attraper la grippe Père Noël.
Le Père Noël se tourna vers Bidouille.
– Bidouille, tu as bien vacciné les rennes cette année.
– Ben, c’est-à-dire que… Vous comprenez, d’habitude il suffisait de donner des granulés, mais, cette année, il fallait faire des piqûres. Ça fait mal les piqûres. Et puis, de toute façon, je n’ai pas pu les vacciner.
– Comment ça ? demanda le docteur. Tu as cassé la seringue ?
– Non, pas la seringue, mais la boîte de vaccins. Quand j’ai voulu commencer à vacciner les rennes, toutes les ampoules sont tombées par terre et se sont cassées.
– Bien sûr ! bien sûr ! et sans faire exprès, tu n’aurais pas marché dessus par hasard ? demanda le Père Noël.
Le pauvre Bidouille se tordit sur lui même, vira au rose puis devint tellement rouge qu’on aurait dit un homard en train de cuire. Seul un éternuement épouvantable répondit au Père Noël.
– Je vois, je vois, dit le docteur.
Il sortit de sa sacoche une souche d’ordonnance et commenta sa prescription.
– Quinze jours de repos pour tous les rennes. Chaque soir, vous leur donnerez une décoction de menthe. Surtout aucun effort, sinon gare. Pour toi Bidouille, même régime. Pas de vacances avant entière guérison. Te voilà bien puni, maintenant au lit.
Bidouille ne se fit pas prier, mais pour le Père Noël, c’était une autre affaire. Il fit part de son inquiétude au docteur.
– Mais docteur, c’est que nous sommes le 23 décembre et, dans un jour, je dois livrer mes cadeaux à tous les enfants de la terre. Sans mes rennes, pas de livraison.
– Non, non, trouvez une autre solution. En tout cas, pas avec vos rennes, vous les tueriez.
-Mais comment faire, je ne peux tout de même pas porter tous ces cadeaux sur mon dos, je suis trop vieux.
Amusé, le docteur regarda le Père Noël et lui répondit en souriant.
– Écoutez Père Noël, vous êtes au 20e siècle. Faites comme tout le monde, achetez une voiture.
Chapitre 3 – La voiture
Le 24 décembre, à huit heures du matin, le concessionnaire de la succursale “Les belles voitures” ouvrit la porte à un vieux Monsieur qui portait une superbe barbe blanche. Il avait des petits yeux ronds qui ressemblaient à deux billes enfoncées dans son visage, sa peau était burinée comme celle des esquimaux que l’on voit dans les reportages télévisés. Et sa mine sympathique remplit de joie le vendeur qui flairait la bonne affaire.
– Bonjour Monsieur, vous avez une barbe magnifique.
Monsieur Filou savait parler au client, un compliment par ci, une flatterie par là mettait toujours un climat favorable pour une vente rapide.
– Mais peut-être désirez vous vous asseoir ? Un café ? Asseyez-vous. Gisèle ! Apportez un café pour Monsieur !! Allons, dépêchons ! Monsieur n’a pas que ça à faire…
Un client que l’on traite comme un roi est capable, dans l’euphorie, d’acheter n’importe quoi. Monsieur Filou connaissait toutes les ficelles du métier.
Le Père Noël n’avait pas encore réussi à placer un mot qu’il était déjà submergé de prospectus multicolores. Monsieur Filou continuait:
-….Vous désirez Monsieur ?….
– Je voudrais que vous me donniez l’heure ?
Monsieur Filou s’affaissa sur son fauteuil de cuir, sa mine devint cramoisie. Dans un spasme retenu, il bougonna:
– Il est 8 heures 20.
Il allait jeter ce client indécis, et sans doute insolvable, vers un apprenti vendeur quand le Père Noël ajouta :
– J’aurais besoin de six rennes pour tirer un traîneau.
Monsieur Filou se redressa et avec sourire publicitaire et rectifia :
– Vous voulez dire que vous désirez une voiture de six chevaux.
– Ah ! c’est comme ça qu’il faut dire. Oui, je dois livrer cette nuit des milliers de jouets et je voudrais être sûr qu’il n’y aura pas de problème.
– Mais bien entendu, nous garantissons nos véhicules six mois ou cinq cents kilomètres. N’ayez aucune crainte. Chez Filou, les pannes sont en pannes. Ah, ah, ah, ah, amusant non ? Les pannes sont en panne, donc pas de panne, vous comprenez ?
Décidément ces terriens sont bizarres pensa le Père Noël.
– Justement, reprit Monsieur Filou, vous avez de la chance, j’ai ce qu’il vous faut. Mais à la réflexion. Non. Franchement pour votre travail, une voiture ce n’est pas assez grand. Vous êtes dans la livraison il me semble ? Ce qu’il vous faut, c’est un camion.
– Un camion, mais et mon traîneau ?
– Voyons, Monsieur, absolument pas, les camions d’aujourd’hui ne se traînent pas, bien au contraire. Il leur arrive même de pousser les voitures. Non, croyez moi, ce qu’il vous faut, c’est un camion !
– Vous croyez ? Si vous le dites. Est-ce que je pourrais l’avoir en rouge ?
– Bien entendu cher Monsieur,vos désirs sont des ordres, vous l’aurez dans quinze jours clé en main. Et la maison sera heureuse de vous offrir le porte-clé. Si vous payez comptant. Cela va sans dire, ajouta Monsieur Filou.
– Mais c’est impossible… commença à répondre le Père Noël.
– Dommage, nous allons donc faire une demande de crédit, évidement ce sera plus long, se désola Monsieur Filou.
– Non, je vous dis que c’est impossible, je ne peux pas attendre deux semaines. Je peux payer tout de suite, mais j’ai besoin du camion aujourd’hui, pour cette nuit. C’est ce soir que je dois livrer mes cadeaux.
– Ah, si ce n’est pas une question d’argent, on va trouver une solution. Je n’ai pas de camion rouge de libre, mais si vous voulez, je peux vous vendre un superbe camion sur le champ.
Le Père Noël se demandait bien pourquoi il fallait aller dans les champs pour trouver un camion, mais n’en dit pas mot.
Monsieur Filou lui se frottait discrètement les mains. Décidément, c’était Noël, cela faisait déjà trois ans qu’il essayait de vendre ce camion et jamais un client n’en avait voulu à cause de sa couleur.
Chapitre 4 – Le camion
Malgré sa couleur, c’est vrai qu’il était bien bien beau ce camion. Ses énormes roues lui donnaient une allure de tracteur et, avec ses phares, on avait l’impression qu’il regardait tout autour de lui. Mais quelle idée de peindre un camion en jaune fluorescent ! On aurait dit un jouet. Cette pensée rassura le Père Noël. Après tout, un camion qui ressemble à un jouet, ne peut pas être un mauvais camion.
Pendant que le Père Noël signait un chèque rempli d’un paquet de zéros, Monsieur Filou se voyait déjà sur une plage entourée de superbes créatures.
– Quand on pense que ce bonhomme n’a même pas discuté le prix, jubilait Monsieur Filou. Il ne prêta pas attention au chèque que lui remit le Père Noël. Monsieur Filou était déjà en vacances. Il remit les clés au Père Noël et ferma boutique avant d’accompagner son client jusqu’au camion.
Le Père Noël ouvrit la porte et s’assit sur le siège moelleux. Tout en enfonçant la clé de contact, il regrettait déjà la compagnie de ses rennes. On ne parle pas à un camion, il faut le conduire avec un volant et passer les vitesses. Tout cela est fort fatigant, pensa-t-il. Mais ce n’était que pour une fois et le temps pressait, il ne pouvait pas laisser les enfants de la terre sans cadeaux. Il posa le mode d’emploi du camion devant lui et suivit les consignes.
Après avoir heurté trois poteaux, renversé deux poubelles, trouvé la marche arrière, avant, la première et pratiquement écrasé la voiture du concessionnaire, cahin-caha le superbe camion jaune du Père Noël s’engagea sur la route en hoquetant.
Quelques embardées plus loin, le Père Noël fut doublé par une voiture qui faisait un vacarme abominable Celle-ci se mit en travers de la route et un drôle de bonhomme bleu qui s’époumonait dans un sifflet, en sortit.
Le camion stoppa juste au pied du policier.
Après un salut réglementaire, ce dernier commença:
– Bonjour Monsieur, vous avez mordu sur la ligne blanche, grillé un feu rouge et vous conduisez en lisant un livre sur le tableau de bord. Vos papiers s’il vous plaît !
– Quel étrange personnage, songea le Père Noël. Pour qui me prend-t-il, un cannibale ? Pourquoi diable dit-il que j’ai mordu la route et grillé je ne sais plus quoi, je n’ai pas le temps d’aller à un barbecue.
Le Père Noël eut juste le temps de dire:
– Mais ..
Le policier reprenait sans s’occuper du Père Noël:
– Permis de conduire, vignette, assurance, carte grise…
– Euh, attendez, je regarde dans le mode d’emploi.
L’agent de police se dirigea vers sa voiture, saisit son poste radio et appela son supérieur.
– Allo, chef, j’ai ici un individu louche qui n’a pas de papier… Oui sa conduite n’est pas très catholique… Oui, plutôt sinueuse..Non, il ne sent pas l’alcool… Je vais vérifier le cendrier… Bien chef, je l’emmène au poste.
Le policier se dirigea à nouveau vers le Père Noël et lui ordonna de descendre du camion.
– Mais, c’est que, ce soir, je dois livrer…
Le Père Noël essaya bien de protester, on lui mettait déjà les menottes.
– Pas de mais. Brigadier, saisissez le camion comme pièce à conviction et vous, montez dans la voiture.
Les sirènes du véhicule de police qui emmenait le Père Noël en prison retentirent dans toute la ville.
Chapitre 5 – Le procès
– Silence ! Vous êtes dans un tribunal !
Monsieur le Juge s’installa sur sa chaise et saisit le dossier du dessus.
– Affaire première : Défaut de papiers, conduite sans permis de conduire, refus d’obtempérer et dissimulation d’identité.
Tout en s’adressant aux policiers qui faisaient la garde dans le tribunal, le juge poursuivit:
– Conformément au code de procédure pénale, l’affaire étant un flagrant délit, elle sera jugée immédiatement. Qu’on amène le prévenu.
Entouré de deux gardes, menottes aux poignets, le Père Noël entra dans le tribunal. Il fut aussitôt mené jusqu’au banc des accusés.
Le juge l’examina un instant, puis commença son interrogatoire:
– Nom ?
– Père
– Prénom ?
– Noël
– Greffier, veuillez noter, s’il vous plaît. Attention, vous affirmez que vous vous appelez bien Père Noël !
– Oui, Monsieur le Juge.
Un premier rire général secoua le prétoire.
– Silence ou je fais évacuer la salle. Lieu de résidence ?
– Dans le ciel, après la grande ourse.
– Bien sûr, bien sûr. Et comme profession, évidemment, vous distribuez des jouets.
– Oui, Monsieur le Juge.
Une fois encore, la salle se mit à rire.
Mais au fur et à mesure que le procès avançait, par enchantement, la salle se remplissait de plus en plus d’enfants. La nouvelle, comme une traînée de poudre, s’était répandue dans la ville : quelqu’un prétendait qu’il était le Père Noël. Pire, on allait mettre le Père Noël en prison. Devant l’afflux de ce public inattendu, le président du tribunal préféra s’adjoindre l’avis d’un expert. Il n’était pas question de faire une erreur judiciaire la veille de Noël. Il se leva et déclara :
– La cour demande l’avis d’un psychiatre. La séance est ajournée.
– Je proteste, déclara le Père Noël en se levant.
– Vous protestez, mais de quel droit ? Ici le juge c’est moi ! Eh bien, puisque c’est ainsi, qu’on fasse venir l’expert immédiatement ! s’énerva le juge.
Un petit homme vêtu d’un costume noir s’approcha de la barre, il rajusta des lunettes rondes sur son nez et débuta son rapport.
– Que la cour excuse… manque de temps… pas assez d’éléments au dossier… toutefois…
Trois quarts d’heure après, il continuait et, cette fois, semblait conclure.
-Manifestement, cet homme souffre d’un dédoublement de la personnalité, sans doute que petit enfant il a… et que… alors …
Un énorme ronflement interrompit le rapport de l’expert. Toute la salle se mit à rire en voyant le Père Noël qui dormait.
– Gardes, réveillez le prévenu ! Le juge s’adressa vertement au Père Noël et lui fit un reproche.
– En plus, vous insultez la cour…
– Mais pas du tout, si je veux offrir tous mes cadeaux cette nuit, il faut que je fasse une sieste…
Une nouvelle vague de rire ébranla la salle.
– Silence ou je fais évacuer le tribunal ! et vous, soyez respectueux envers la cour ou je vous condamne pour outrage à magistrat.
Le juge avait à peine fini sa phrase qu’un brouhaha, un vacarme, un cri de douleur percèrent les oreilles des spectateurs.
– Au voleur, au voleur, Monsieur le Président, arrêtez cet homme, il m’a volé.
Monsieur Filou arrivait ou plutôt débarquait dans le tribunal. Il hurlait au juge.
– Fusillez-le, guillotinez-le, pendez-le haut et court, écartelez-le, rasez-lui la barbe, mais faites-le payer.
L’irruption de Monsieur Filou détourna l’attention du public. Il brandissait dans sa main un bout de papier. Il traversa la salle et s’écroula devant la table du greffier. Toujours en criant, il bredouillait.
– Regardez, regardez, ce chèque, c’est une carte de Monopoly. Il a payé mon camion avec la rue de la Paix! De la monnaie de singe, je suis ruiné.
La salle une fois encore éclata de rire.
C’en était trop pour Monsieur le Juge qui se fâcha tout rouge et frappa de son marteau son bureau.
– Gardes, envoyez cet énergumène en prison, je m’occuperai de lui plus tard.
– Mais c’est une erreur, c’est lui le voleur, pleurait Monsieur Filou.
Deux gardes, sous les applaudissement de la salle, entraînèrent Monsieur Filou vers le fourgon cellulaire. Le juge, cette fois-ci trop énervé pour continuer, s’adressa au Père Noël et rendit sa sentence.
– Conformément au code de procédure pénale, article numéro… et alinéa… je vous condamne à quinze jours de prison, dont quinze jours ferme. Affaire suivante…
– Hou, hou, hou…
De toute part, on entendit les cris des enfants qui protestaient.
– Mais…, Monsieur le Juge, et les enfants ?
– Silence, brigadier, évacuez la salle.
Le juge se leva, épongea son front et sortit la tête bien haute.
Si rien n’était fait, cette nuit, le Père Noël allait dormir en prison et personne ne distribuerait les cadeaux aux enfants.
Chapitre 6 – La lettre
Dans sa chambre, Valentin s’appliquait. Il avait assisté à la totalité du procès et même s’il adorait son papa, il se sentait un peu responsable. Son papa lui avait promis qu’il l’emmènerait un jour voir un procès dès qu’il aurait arrêté un bandit et, jusqu’à aujourd’hui, à part un caniche perdu, son papa n’avait jamais rien arrêté. Valentin soupçonnait un peu son papa d’excès de zèle. En sortant du tribunal, il avait décidé que c’était à lui de réparer les erreurs des grandes personnes. Heureusement qu’il savait à qui il devait écrire.
– Cher Saint Nicolas, papa a arrêté le Père Noël. Venez vite. Valentin.
Valentin, fier de sa missive, ouvrit la fenêtre de sa chambre. Un pigeon se posa sur le rebord, prit dans son bec la lettre du petit enfant et s’envola dans les airs.
– Que fais-tu là, je t’ai déjà dit de ne pas ouvrir la fenêtre en plein hiver, tu veux nous faire mourir de froid.
– Mais papa, c’est pour le Père Noël …
– Voyons, Valentin, je t’ai déjà dit que le Père Noël n’existait pas. Fais comme ton papa, travaille dur et un jour, tu pourras rentrer dans la police.
– Oui papa.
Sagement, Valentin regagna son lit. De ses yeux, il suivait le voyage d’un pigeon qui montait, montait dans le ciel.
Chapitre 7 – La nuit de Noël
Cette nuit-là, au-dessus de la prison, un escalier de glace descendit jusqu’à la fenêtre de la cellule du Père Noël. Les barreaux s’ouvrirent comme des pétales et Saint Nicolas, en bougonnant, délivra le Père Noël.
saint Nicolas – Ce n’est pas ma nuit, je n’ai même pas eu le temps de me reposer. Je veux bien te sortir de ce pétrin, mais ne compte pas sur moi pour aller distribuer tes colis. Tiens, voilà les clés de ton camion. Débrouille-toi, moi je retourne me coucher. J’ai attaché ton traîneau derrière le camion.
Le Père Noël remercia chaleureusement Saint Nicolas, mais ce dernier, toujours de mauvaise humeur, ajouta :
– Tu m’inquiètes, tu sais. Si tu n’étais pas aussi vieux, je ne sais pas si je ne t’aurais pas donné une fessée. Adieu.
L’escalier de glace se mit à fondre au fur à mesure que Saint Nicolas remontait dans l’espace.
Ceux qui étaient éveillés cette nuit, n’en ont pas cru leurs yeux. Il paraît qu’un énorme camion jaune flambant neuf volait dans le ciel et qu’il tirait un vieux traîneau rouge. Si le Père Noël eut quelques difficultés au début de sa livraison pour s’arrêter juste au-dessus des cheminées, très rapidement, il s’habitua à son nouveau moyen de transport et freina juste où il fallait. Grâce au camion, comme tous les ans, pas un enfant, non pas un seul enfant, ne fut oublié. Enfin, quand le Père Noël arriva au-dessus de la maison du policier, il vit que la cheminée était fermée.
– Encore un enfant qui ne croit pas au Père Noël, soupira-t-il. Quel dommage !
– Tiens, mais on dirait qu’il y a de l’espoir.
En effet, la cheminée s’entrouvrait, laissant juste assez d’espace pour laisser passer un paquet cadeau.
– Pas facile de ne pas croire au Père Noël, jubila le Père Noël qui se retourna pour prendre un dernier cadeau, dans son traîneau. Mais celui-ci était vide.
– Évidemment, cet enfant n’était pas prévu, que faire ?
Le Père Noël se concentra et, dans une pluie d’étincelles, disparut du ciel avec son traîneau.
Quand Valentin se réveilla, même s’il doutait de l’existence du Père Noël sur terre, il préféra vérifier lui-même en allant directement au pied du sapin de Noël. On ne sait jamais…
– Papa, papa, merci, il est superbe, cria Valentin en faisant irruption dans la chambre de son père.
– Mais qu’est-ce que tu racontes ?
– Oh papa! comment tu as deviné, il est magnifique! Comment tu as fait? Je croyais qu’on n’avait plus d’argent ?
– Enfin Valentin, calme-toi, qu’est-ce que tu dis ?
– Regarde.
Valentin sortit de derrière son dos un magnifique camion jaune fluorescent avec des lumières clignotantes dans la cabine, des phares ronds qui s’allument quand on le fait rouler et même une clé de contact qui déclenche un bruit de moteur.
Comme il ne lui restait plus de cadeau, le Père Noël avait tout bonnement miniaturisé le beau camion pour l’envoyer dans la cheminée de Valentin.
À partir de cette nuit-là, et dans les années qui suivirent, il paraît que lors de la veillée de Noël, le Père Noël s’arrête à chaque fois au-dessus de la cheminée de Valentin. Et pourtant, comme tous les enfants, Valentin a grandi. Comme toutes les grandes personnes trop sérieuses, désormais il fait semblant de ne plus croire au Père Noël et ferme la cheminée de sa maison au Père Noël.
Comme toutes les grandes personnes ?
Enfin, pas tout à fait, car depuis la nuit du camion jaune, malgré les moqueries de ses collègues, le papa de Valentin, lui, croit dur comme fer au Père Noël.
Et tous les enfants du monde savent bien qu’il suffit de croire au Père Noël pour que la nuit de Noël, la cheminée s’ouvre, juste l’espace d’un paquet. Il suffit d’y croire et ce n’est pas une question d’âge…
Mon petit doigt m’a dit que le papa de Valentin a commandé un pistolet en chocolat pour Noël et toi qu’as-tu commandé au Père Noël ?